« Que peut-observer et analyser en lien avec les questions du genre et de l’égalité de traitement garçon-fille dans l’enseignement-apprentissage ? » Par Marguerite Altet et Yann Vacher
Le GTE1 vise à renforcer les capacités de la chaîne d’encadrement, inspecteurs, conseillers pédagogiques, formateurs à l’observation, l’analyse des pratiques et l’accompagnement professionnel des enseignants pour améliorer les apprentissages de tous les élèves. Lors des Ateliers, il s’agit d’intégrer la question du genre lors des observations et des analyses de tout ce qui se joue dans le processus interactif d’enseignement-apprentissage, pour faire prendre conscience aux participants des stéréotypes et des inégalités de traitement garçons-filles repérables dans une classe. Il importe de leur apprendre à considérer chaque apprenant comme un individu sans prendre en compte son genre, leur permettre de réaliser que, si les différences existent, elles ne doivent pas se baser sur des stéréotypes mais être vues comme un signe de diversité et de richesse à traiter de manière équitable. Les encadreurs, les formateurs ont une position clef pour sensibiliser les enseignants à la question de l’égalité, pour les aider à remettre en cause leurs croyances, leurs représentations et leur faire comprendre combien le genre est une construction socio-culturelle ancrée, comment à partir des analyses de séquences de classe et des multiples facteurs en jeu, ils peuvent repérer et dénoncer ces croyances et ces pratiques qui font obstacle au traitement égalitaire de tous les élèves, à l’équité. L’observation et l’analyse sont une première étape pour faire prendre en compte les inégalités genrées dans les pratiques de classe et, à partir de la prise de conscience, s’engager dans des actions concrètes pour faire face aux stéréotypes fondés sur le genre.
Etudier la question du genre ou de l’égalité en classe peut être réalisé avec différentes approches, plusieurs éclairages scientifiques et peut ouvrir à diverses perspectives d’action. Approche didactique en lien avec le genre en tant que contenu d’enseignement, approche psychosociale se penchant sur les relations fille-garçon dans les groupes classe, approche pédagogique examinant l’organisation des conditions d’apprentissage, des espaces et des interactions, sont autant d’exemples de cette richesse d’analyse. Les savoirs issus des recherches tout autant que les savoirs professionnels participent à nourrir les possibilités d’intervenir dans les domaines qui touchent aux questions du genre et du traitement de l’égalité dans les activités réellement mises en place et sont donc observables dans les différents domaines constitutifs des pratiques enseignantes. Nous détaillons ci-après quelques exemples d’éléments à identifier.
Genre et égalité dans la dynamique relationnelle
Le registre relationnel est probablement celui dans lequel apparaît le plus facilement pour les acteurs les questions du genre et de l’égalité. La circulation de la parole, les expressions, les interactions, les encouragements, les leaderships, le climat, sont autant d’indicateurs concrets qui permettent d’établir la place/l’importance éventuelle des questions du genre et de l’égalité dans les dynamiques individuelles et collectives, dans les rapports entre les élèves mais aussi entre l’enseignant-e et les élèves. Les questions qui étayent l’observation puis l’analyse sont par exemple les suivantes : Les filles discutent-elles avec les garçons lors des travaux en groupe ? L’enseignant(e) donne-t-il/elle la parole plus souvent à des filles ou des garçons ? La réussite ou l’échec est-il plus mis en lumière selon qu’il s’agit de garçons ou de filles ?
Genre et égalité dans le registre pédagogique
La gestion pédagogique donne aussi lieu à l’interrogation des questions du genre et de l’égalité de traitement de tous. On citera par exemple la forme du questionnement (plus fréquent des garçons), l’occupation des différents espaces scolaires en fonction du genre : les garçons et les filles sont-ils positionnés à des endroits spécifiques de la classe (devant, sur les côtés au niveau de l’implication dans la tâche, etc..), dans les espaces de récréation ? On pense aussi à la délégation de tâches pédagogiques telles que le rangement du matériel, le nettoyage d’un tableau, ou dans le travail de groupe, la répartition des rôles (changer du garçon animateur, de la fille secrétaire-rapporteur). L’observation d’une attribution « genrée » ou non de ces tâches est un élément qui va enrichir l’analyse de la pratique observée.
Genre et égalité dans le registre didactique
En termes de régulation didactique, on peut aussi observer s’il y a une différence entre filles et garçons au niveau de l’engagement dans le contrat didactique, dans le recueil des conceptions, lors de la réalisation de tâche, de correction (passage au tableau), de réponses aux questions, lors des évaluations. On peut aussi interroger les contenus, activités et supports des manuels. Si ces derniers éléments ont une teneur didactique, ils sont aussi des composantes de la gestion pédagogique ou relationnelle.
Comme nous le montrons, les critères d’observation que nous proposons dans le GTE1 ne sont en fait pas une catégorie spécifique aux questions du genre et de l’égalité ou encore à celle de l’inclusion, mais bien des déclinaisons particulières de critères plus généraux inscrits dans la conception de l’enseignement-apprentissage comme un système d’équilibre entre les pôles didactique, pédagogique et relationnel qui concerne tous les élèves. Les aspects mis en lumière par l’observation renvoient tous à des conceptions éducatives plus larges qui peuvent être plus ou moins implicites et parfois ne pas être conscientisées par les acteurs et qui nécessitent alors d’être travaillées par l’observation puis l’analyse, par une sensibilisation pour déconstruire les stéréotypes et comprendre la complexité des enjeux d’égalité des chances en classe, à l’école.
Et en amont de ces formations aux observations et analyses de séquences de classe, c’est au niveau de la composition de la liste des participants du corps d’encadrement pour les ateliers que les experts du GTE1 s’efforcent d’obtenir des ministères, une mixité, une parité homme-femme, car c’est aussi dès ce niveau que les inégalités persistent dans les systèmes éducatifs.